L’impôt sur la fortune improductive : un tournant pour les conseillers en gestion de patrimoine

Le Projet de loi de finances pour 2026, adopté à l’automne 2025, marque une inflexion majeure dans la politique fiscale française : la création d’un impôt sur la fortune improductive (IFI²).
Portée par le gouvernement et votée par la majorité présidentielle, cette réforme remplace l’actuel IFI et vise à rediriger le patrimoine des plus aisés vers l’économie réelle.

Concrètement, elle taxe davantage les actifs jugés « non productifs » – liquidités, œuvres d’art, placements immobiliers passifs, contrats d’assurance-vie en euros – tout en allégeant la fiscalité sur les investissements productifs : entreprises, actions, capital-investissement, immobilier d’entreprise ou innovation.
L’objectif affiché : remettre l’épargne au service de la croissance.

Une réforme économique… mais aussi culturelle

Si le texte se veut économique, il s’attaque surtout à un problème de culture financière bien français.
Selon la Banque de France, le niveau moyen de culture financière des ménages reste faible : 12,5/20, contre près de 15 en Allemagne ou au Royaume-Uni. Ce déficit se traduit par un comportement d’épargne défensif : livrets, dépôts bancaires et fonds en euros restent les placements privilégiés, alors qu’ils rapportent moins que l’inflation sur longue période.

Pour les conseillers en gestion de patrimoine, cette réforme place la pédagogie au centre du métier.
Les épargnants devront comprendre pourquoi la recherche de rendement passe par une acceptation mesurée du risque, et comment l’investissement en actions ou en économie réelle peut devenir un levier patrimonial durable plutôt qu’un pari spéculatif.

Une opportunité stratégique pour la profession

L’instauration de cet impôt rebat les cartes du conseil patrimonial :

  • Repositionner les allocations d’actifs : la demande va croître pour des portefeuilles équilibrés, combinant fonds euros, unités de compte et participations productives (PME, private equity, SCPI d’entreprise…).
  • Renforcer le conseil sur la fiscalité d’arbitrage : les clients devront être guidés pour transformer des placements dormants en actifs éligibles sans déséquilibrer leur liquidité ni sur-exposer leur risque.
  • Accompagner la transition psychologique : accepter de sortir d’une logique “capital garanti” demande du temps et de la confiance. C’est un travail de pédagogie, pas de pression.
  • Mettre en avant le conseil humain : dans un contexte où les décisions fiscales se complexifient, la valeur ajoutée du CGP se renforce. Le conseil devient un accompagnement stratégique, pas une simple intermédiation produit.

En d’autres termes, l’impôt sur la fortune improductive pourrait bien redonner du sens au conseil patrimonial : aider les épargnants à investir dans ce qui crée réellement de la valeur.

Mais des zones d’ombre demeurent

Plusieurs questions restent ouvertes :

  • Quelle sera la définition exacte d’un actif « productif » ? Les unités de compte en assurance-vie seront-elles toutes exclues ?
  • Le dispositif sera-t-il progressif, ou risque-t-il de créer une rupture brutale dans les stratégies patrimoniales existantes ?
  • Comment éviter que les investisseurs se tournent vers des produits complexes, mal compris, uniquement pour bénéficier d’un avantage fiscal ?
  • Quelle articulation entre ce nouvel impôt et les dispositifs déjà incitatifs (PEA, PER, Girardin, FIP, etc.) ?

Ces zones d’incertitude doivent être anticipées dès aujourd’hui par les CGP, car elles conditionneront la réussite ou l’échec du texte.

En conclusion : un défi de transformation pour les conseillers

L’impôt sur la fortune improductive est une réforme ambitieuse, mais elle ne réussira que si les intermédiaires financiers et patrimoniaux jouent pleinement leur rôle.
Les conseillers devront former, rassurer et accompagner des clients parfois peu habitués à la volatilité des marchés.
En parallèle, ils pourront valoriser leur expertise en aidant à flécher l’épargne vers des investissements porteurs de sens : entreprises, innovation, transition écologique, infrastructures…

C’est à la fois un défi et une opportunité : celui de replacer le CGP au cœur de la chaîne de valeur économique, entre fiscalité, pédagogie et performance.