Le faux départ d’Éric Larchevêque : quand Bitcoin rencontre le storytelling

Éric Larchevêque, le fondateur de Ledger, a dévoilé à Paris The Bitcoin Society (TBSO), un projet présenté comme la “première Bitcoin Treasury Company cotée sur Euronext”. L’annonce, relayée avec un certain fanfare — Steve Jobs-style keynote, Tony Parker à ses côtés, promesse de convertir les profits en Bitcoin — a fait couler beaucoup d’encre et provoquer un flux de réactions sur LinkedIn. Et il est temps de prendre un peu de recul.

L’idée : séduisante sur le papier

TBSO promet une mécanique simple :

  • créer ou reprendre des entreprises générant des profits,
  • convertir ces profits en Bitcoin,
  • Récompenser les actionnaires via la croissance du BTC par action.

À première vue, le concept séduit les amateurs de Bitcoin “pur” et ceux qui croient encore à la magie de Ledger. Le modèle mélange clubs, événements et formations, avec l’ambition de bâtir un écosystème entrepreneurial autour d’un actif dur.Les signaux positifs… et superficielsLes réactions les plus enthousiastes mettent en avant :

  • la visibilité médiatique et le signal fort que Tony Parker apporte,
  • l’expérimentation de gouvernance alignant fondateurs et actionnaires sur le long terme,
  • et la notion séduisante de discipline monétaire : stocker la valeur en Bitcoin plutôt qu’en euros.

Mais ici, la forme semble primer sur le fond. LinkedIn regorge de commentaires pointant l’aspect marketing et “hype” :


“When real businesses convert operating profits into BTC, adoption moves from narrative to accounting. This is early-stage monetary substitution.. quiet, durable, asymmetric.” – Paul Pooni

…mais beaucoup ajoutent que ce modèle repose sur des hypothèses fragiles : profitabilité, préférence des actionnaires pour le BTC, volatilité extrême de la crypto.

Les alertes critiques

Plusieurs vox s’inquiètent de la viabilité réelle du projet :

  • Le modèle dépend de profits réels et stables, une hypothèse loin d’être garantie pour des clubs, formations et événements.
  • Le choix de Bitcoin comme “monnaie de réserve” est ambitieux mais risqué : volatilité, scalabilité, concurrence des autres blockchains, et enjeux techniques (quantum-safe, forks).
  • Le recours à des célébrités comme Tony Parker, bien que stratégique pour la visibilité, alerte certains professionnels : “Tout projet qui a besoin d’une célébrité pour attirer l’attention ressemble à un pump & dump” (Melcom Copeland).

D’autres commentaires, plus pragmatiques, soulignent la complexité de transformer un concept de “trésorerie Bitcoin” en modèle durable :

“Operating clubs/events/training to convert profits to BTC assumes sufficient profit margins and sustainability. Conditional success > Guaranteed innovation.” – Piero Cusmano

Enfin, le timing du projet ne joue pas en sa faveur. Beaucoup estiment que la “Bitcoin pubco” est déjà en cours depuis des mois et que TBSO arrive tard sur un marché où MicroStrategy et d’autres acteurs institutionnels ont déjà testé le terrain.

Entre vision et réalité

Il est indéniable qu’Éric Larchevêque a un parcours impressionnant avec Ledger. Mais TBSO soulève une question centrale : quand la crypto rencontre le marketing et la cotation en bourse, où commence la vraie innovation et où finit le storytelling ?L’annonce joue sur trois leviers :

  1. le prestige et la légitimité (célébrité, ancien succès Ledger),
  2. la séduction intellectuelle (Bitcoin comme “monnaie de réserve”),
  3. l’effet communautaire (réseau d’entrepreneurs alignés sur le long terme).

Mais derrière ces leviers, le risque de modèle non testé, complexe et sensible à la volatilité reste majeur. La structure prometteuse sur papier pourrait se heurter à la réalité opérationnelle.

Conclusion : un signal, pas une garantie

The Bitcoin Society est intéressante comme expérimentation de gouvernance et de discipline monétaire, mais elle ne doit pas être prise pour un produit miracle. Les entrepreneurs et investisseurs doivent lire entre les lignes : beaucoup d’idées séduisantes échouent face à la volatilité, la régulation et la complexité opérationnelle.Ce lancement est peut-être un signal pour le marché : la France veut montrer qu’elle peut innover dans la crypto, mais il est encore trop tôt pour dire si ce signal se traduira par un succès tangible.