Les rétrocessions, un mal nécessaire ?

Les rétrocessions, pilier d’un écosystème au service de l’épargne et de la société

Le débat sur la fin possible des rétrocessions refait surface à intervalles réguliers, souvent alimenté par une volonté légitime de mieux protéger les épargnants. Pourtant, comme le rappelle Olivier Farouz, fondateur du groupe Premium, « il suffit d’élever légèrement le débat pour comprendre qu’une telle décision serait absurde ». Au-delà des aspects techniques, les rétrocessions sont le socle économique d’un métier dont la mission dépasse la simple distribution de produits financiers : accompagner les Français dans la construction de leur avenir.


Le CGP, un maillon essentiel entre l’épargne et l’économie réelle
Le conseiller en gestion de patrimoine (CGP) est bien plus qu’un intermédiaire. Il joue un rôle de passeur entre l’épargne des ménages et le financement de l’économie réelle. Dans un pays où la culture financière reste limitée et où la retraite par capitalisation ne s’impose pas naturellement, ces professionnels rendent tangible un enjeu collectif : mobiliser l’épargne vers des projets productifs et durables.

Loin des discours abstraits sur « l’allocation d’actifs », le CGP aide ses clients à donner du sens à leur argent. Il les éduque sur la retraite, la fiscalité, la transmission, et surtout sur la cohérence entre leurs placements et leurs objectifs de vie. Ce conseil personnalisé, que ni les plateformes digitales ni les conseillers bancaires standardisés ne peuvent véritablement offrir, repose sur une approche globale et humaine du patrimoine.

Les rétrocessions : un modèle imparfait, mais indispensable
Les rétrocessions, c’est-à-dire les commissions versées par les sociétés de gestion ou les assureurs aux distributeurs, ont permis au conseil patrimonial de se développer en France. Sans elles, l’accès au conseil serait réservé à une minorité prête à payer des honoraires explicites. Le modèle des rétrocessions démocratise donc l’accompagnement financier, notamment pour le segment du mass affluent, ces millions de ménages épargnant quelques centaines d’euros par mois.

Supprimer ces commissions reviendrait à rendre la distribution de produits d’épargne non rentable pour ce public. Comme l’explique Olivier Farouz, « les produits financiers ne se vendent pas spontanément : ils nécessitent un accompagnement, un conseil, une pédagogie ». C’est toute une industrie d’intermédiation qui disparaîtrait, laissant une large part de la population sans accompagnement ni incitation à épargner pour la retraite. Le Royaume-Uni, qui a supprimé les rétrocessions, en a déjà fait l’amère expérience : une chute drastique du nombre de conseillers et une baisse de la collecte auprès des classes moyennes.

Un modèle à réformer, pas à abolir
Faut-il pour autant sanctuariser le système ? Non. Les dérives existent : accumulation de frais, vente de produits mal alignés avec les objectifs du client, gestion active souvent moins performante que les fonds indiciels. L’AMF a raison de rappeler que les commissions doivent se justifier par un véritable conseil, et que l’intérêt du client doit primer sur la rémunération du distributeur.

Mais la bonne réponse n’est pas la suppression pure et simple du modèle. C’est sa transparence, sa régulation et sa montée en compétence. Le client doit comprendre comment son conseiller est rémunéré et pour quel service. Le professionnel, lui, doit prouver que cette rémunération correspond à une valeur ajoutée réelle : un diagnostic global, une stratégie cohérente, une diversification adaptée, et un suivi dans le temps.


En conclusion
Les rétrocessions ne sont pas un anachronisme, mais un levier de cohésion sociale et de mobilisation de l’épargne. Elles permettent à des millions de Français d’accéder à un conseil patrimonial, sans lequel l’éducation financière, la préparation de la retraite et le financement de l’économie réelle reculeraient.

Le véritable enjeu n’est donc pas de savoir comment supprimer les rétrocessions, mais comment les réinventer pour renforcer la confiance entre épargnants et conseillers, dans un écosystème où le capital humain reste la première valeur ajoutée.