Les récentes sanctions de l’AMF contre Altaroc et Novaxia ne concernent pas que des manquements de conformité : elles annoncent un tournant stratégique pour tout le secteur de la gestion de patrimoine. Le régulateur exige désormais que toute rétrocession soit justifiée par une amélioration mesurable de la qualité du service rendu au client.
Autrement dit, la distribution de produits financiers la distribution de produits financiers qui intègrent une rémunération récurrente sur les frais de gestion, sans preuve tangible de valeur ajoutée appartient au passé. Le métier de Conseiller en Gestion de Patrimoine (CGP) entre dans une nouvelle ère où la valeur du conseil doit être démontrable, documentée et traçable.
Pendant des années, le modèle économique des CGP s’est appuyé sur des rétrocessions perçues lors de la distribution de produits financiers ainsi que sur l'encours global des produits financier. Mais les décisions récentes de l’AMF montrent que la simple perception de commissions n’est plus suffisante.
Dans le cas d’Altaroc, l’AMF a souligné l’absence de preuve que les rétrocessions amélioraient la qualité du service client. Novaxia, quant à elle, a été sanctionnée pour défaut de justification et traçabilité des rétrocessions.
Cette exigence transforme profondément le métier : les CGP ne peuvent plus se contenter de distribuer des produits, ils doivent démontrer la valeur concrète de leur accompagnement.
Cette transformation crée une véritable asymétrie structurelle entre les acteurs du marché. Les grands réseaux, dotés de moyens financiers et humains plus importants, peuvent investir dans des outils de reporting, de conformité et de suivi client, leur offrant ainsi un avantage compétitif décisif. À l’inverse, les conseillers indépendants, pour qui la charge de preuve imposée par la réglementation représente un coût significatif en temps et en ressources, risquent d’être fragilisés. Cette tension pourrait accélérer la concentration du marché et rationaliser les modèles de distribution. Pourtant, au-delà de ce risque de polarisation, cette évolution ouvre une opportunité : celle de professionnaliser le conseil en patrimoine, d’en objectiver la valeur et de renforcer la confiance entre le client et son conseiller.
Pour réussir cette transition, les conseillers doivent repenser en profondeur la manière dont ils conçoivent et valorisent leur accompagnement. La première étape consiste à contractualiser la valeur du service, en intégrant dans les lettres de mission des engagements clairs, mesurables et vérifiables sur la qualité du suivi et l’accompagnement proposé. Cette formalisation transforme le conseil en une véritable prestation, dont la valeur peut être objectivement évaluée.
La seconde clé de transformation réside dans la digitalisation de la traçabilité et de la preuve du conseil. Les outils digitaux de gestion patrimoniale permettent désormais de centraliser les interactions avec le client, d’enregistrer les échanges, de mesurer l’impact concret de chaque recommandation et de produire des reportings auditables. L’intelligence artificielle renforce encore cette capacité en automatisant la capture d’informations, en générant des synthèses instantanées et en formulant des recommandations personnalisées. Elle rend la preuve de valeur non seulement possible, mais systématique.
Enfin, cette mutation appelle une évolution du modèle de rémunération, combinant honoraires transparents et commissions justifiées, de manière à aligner la rémunération du conseiller sur la valeur réelle de son accompagnement.
L’ensemble de ces leviers – contractualisation, digitalisation et évolution du modèle économique – marque le passage d’un métier de distributeur de produits à celui de prestataire de service patrimonial, centré sur la valeur ajoutée mesurable et la confiance durable du client.
La réglementation, longtemps perçue comme une contrainte, devient aujourd’hui un véritable catalyseur d’innovation. En imposant la démonstration de la valeur ajoutée du conseil, elle pousse le secteur à se moderniser et à s’équiper. Les outils digitaux permettent désormais de documenter la relation client en temps réel, d’assurer la traçabilité des échanges et de produire des éléments de preuve concrets et exploitables. L’intelligence artificielle, couplée aux simulateurs patrimoniaux, vient objectiver cette valeur : elle traduit les recommandations en impacts mesurables, facilite la conformité réglementaire et renforce la transparence de la relation de conseil.
Grâce à ces technologies, les CGP peuvent démontrer l’efficacité et la pertinence de leur accompagnement sur les décisions patrimoniales de leurs clients, tout en consolidant leur position face aux acteurs plus structurés. Le futur de la gestion de patrimoine ne repose plus sur la simple vente de produits, mais sur la capacité à prouver, de manière mesurable et traçable, la valeur réelle du conseil. Ceux qui sauront intégrer cette logique seront les gagnants du prochain cycle.
Les affaires Altaroc et Novaxia montrent que l’ère du “sans preuve, sans problème” est révolue. Les CGP doivent désormais devenir des prestataires de service patrimonial, capables de justifier chaque euro perçu au titre de rétrocession, de frais de gestion ou d’honoraires.
La transformation est profonde : service, traçabilité et preuve de valeur deviennent les nouvelles règles du jeu, avec au centre les outils digitaux de Conseil Patrimonial.